Jeu de fausses pistes pour la biodiversité : les traitrises du changement climatique
S. Bonamour, A. Charmantier, LM Chevin & C. Teplitsky
Phenotypic plasticity in response to climate change: the importance of cue variation
Special issue ‘The role of plasticity in phenotypic adaptation to rapid environmental change'
S. Bonamour, A. Charmantier, LM Chevin & C. Teplitsky
Phenotypic plasticity in response to climate change: the importance of cue variation
Special issue ‘The role of plasticity in phenotypic adaptation to rapid environmental change'
Les activités humaines via l’urbanisation, l’agriculture intensive ou encore surconsommation des ressources induisent avec force des changements planétaires qui sont grandement néfastes pour la biodiversité. Face à cela, des questions reviennent fréquemment : les espèces sauvages pourront-elles s’adapter à des changements rapides et d’une telle ampleur ? Cela permettra-t-il le sauvetage de la biodiversité mondiale?
Notre perception de l’adaptation a radicalement changé au cours des dernières décennies. La plasticité phénotypique, est désormais considérée comme un ressort majeur de l’adaptation des espèces aux changements de l’environnement.
La plasticité phénotypique, qui est moins connue du grand public que l’évolution génétique, est un mécanisme répandu qui permet une adaptation rapide car c’est un réajustement au niveau de l’individu en réponse à des indices perçus dans l’environnement. Un des exemples les plus célèbres est le développement d’un casque épineux en réponse à la présence de prédateurs chez la daphnie, un petit crustacé. La plasticité phénotypique permet également aux organismes de moduler leur rythme de vie en fonction des conditions environnementales. Par exemple, les plantes sont capables de fleurir plus tôt lorsque les printemps sont plus précoces.
Alors que la plasticité apparait comme une réponse permettant aux organismes de faire face naturellement aux changements induits par l’Homme, de nombreux facteurs peuvent mettre à mal ce mécanisme complexe. En particulier, les indices environnementaux ayant été fiables par le passé sont particulièrement importants et peuvent se révéler de fausses pistes lorsque le milieu de vie des espèces est modifié. Par exemple, les routes et les étangs polarisent la lumière de la même façon et certaines espèces ne peuvent pas les distinguer : pour les éphémères, pondre sur une route plutôt qu’un étang est une erreur qui peut avoir des conséquences catastrophiques. Dans une revue de la littérature scientifique sur le sujet, Bonamour et al montrent les multiples jeux de fausses pistes par lesquels les modifications de l’environnement dus aux activités humaines peuvent empêcher la plasticité phénotypique de contribuer à l’adaptation des organismes aux changements environnementaux.
Cette revue est accompagnée par un cas d’étude sur la mésange bleue, un oiseau commun de nos forêts et jardins. Chez la mésange bleue, mâle et femelle doivent synchroniser leur période de reproduction avec la période d’abondance en nourriture pour leurs poussins, principalement des chenilles. Comment prédire la période d’abondance des chenilles ? Quels indices pertinents peuvent permettre aux mésanges de moduler leur période de reproduction ? |
La date de ponte chez les mésanges, comme chez de nombreux oiseaux, est ajustée à la température durant une période plus ou moins longue avant la ponte. Suivant les populations, cette période peut varier entre un et trois mois avant la reproduction. Cette période de sensibilité à la température commence au printemps ou à la fin de l’hiver.
Le changement climatique brouille les pistes d’une manière dangereuse.
Les températures printanières augmentent plus vite que les températures hivernales.
Bonamour et al montrent que les populations utilisant les températures printanières pour déterminer leur date de ponte parviennent à se synchroniser avec les chenilles alors que les populations se basant sur les températures hivernales sont de plus en plus en retard par rapport au pic d’abondance de nourriture. De ce fait les mésanges qui utilisent historiquement les températures hivernales pourraient avoir de plus en plus de difficultés à nourrir leurs jeunes oisillons. Cela aurait pour conséquences une diminution de leur succès reproducteur et à terme la mise en péril de ces populations sauvages d’oiseaux.
Les conséquences à long terme de la baisse de fiabilité des indices environnementaux sur la capacité des populations à s’adapter aux changements environnementaux rapides ne sont pas encore bien connues. Il est indispensable de mener d’autres études afin de mieux comprendre la complexité de ce mécanisme dans les populations sauvages.
Néanmoins, il semble de plus en plus clair que les changements globaux d’origine anthropique rendent nécessaire une adaptation rapide des organismes alors même qu’ils perturbent leurs capacités d’adaptation.
Le changement climatique brouille les pistes d’une manière dangereuse.
Les températures printanières augmentent plus vite que les températures hivernales.
Bonamour et al montrent que les populations utilisant les températures printanières pour déterminer leur date de ponte parviennent à se synchroniser avec les chenilles alors que les populations se basant sur les températures hivernales sont de plus en plus en retard par rapport au pic d’abondance de nourriture. De ce fait les mésanges qui utilisent historiquement les températures hivernales pourraient avoir de plus en plus de difficultés à nourrir leurs jeunes oisillons. Cela aurait pour conséquences une diminution de leur succès reproducteur et à terme la mise en péril de ces populations sauvages d’oiseaux.
Les conséquences à long terme de la baisse de fiabilité des indices environnementaux sur la capacité des populations à s’adapter aux changements environnementaux rapides ne sont pas encore bien connues. Il est indispensable de mener d’autres études afin de mieux comprendre la complexité de ce mécanisme dans les populations sauvages.
Néanmoins, il semble de plus en plus clair que les changements globaux d’origine anthropique rendent nécessaire une adaptation rapide des organismes alors même qu’ils perturbent leurs capacités d’adaptation.